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Littoral normand : le défi du changement climatique

Ré-ensablage de la dune

clock Publié le 16 décembre 2020

Le changement climatique provoque déjà de nombreuses évolutions sur les côtes de Normandie. Sous l’impulsion de la Région, collectivités et décideurs s’organisent pour trouver des réponses et faire face aux défis des prochaines décennies.

« La nature change tous les jours. Beaucoup, comme nous, sont dépendants de la mer. Alors quand ça évolue si vite, c’est touchant. On sait que ça va arriver : la mer va nous mettre dehors. À nous de nous adapter. »

Sernan Pitois, ostréiculteur à Saint-Germain-sur-Ay

Pour le promeneur non averti, ce petit avion qui longe de près la plage de Saint-Germain-sur-Ay (50) et toute la côte ouest de la Manche, ressemble à tous les autres. Sous son habitacle, la trappe qui laisse le champ libre aux instruments de mesure passe inaperçue.

L’appareil est pourtant chargé d’une mission capitale : son laser scanne de manière très précise notre littoral normand, depuis le relief qui existe à 5 mètres de profondeur jusqu’aux évolutions topographiques présentes sur plus d’un kilomètre à l’intérieur des terres.

Les données qu’il recueille tous les 3 ans, mises à disposition par le Réseau d’observation du littoral de Normandie et des Hauts de France, sont aujourd’hui essentielles à la compréhension d’un vaste enjeu qui préoccupe les populations et mobilise les collectivités : avec la montée des eaux dans le monde, les plus de 600 kilomètres de côtes que compte la Normandie subissent plus que jamais les sautes d’humeur du climat.

Le GIEC normand

Comme son homologue international, le GIEC normand est un groupe de travail qui étudie la situation et les impacts du réchauffement climatique en Normandie. Il est composé de 23 experts régionaux, chercheurs et scientifiques.

9 sujets sont ainsi étudiés pour l’année 2020 :

  • Changements climatiques et aléas météorologiques
  • Qualité de l’air
  • L’eau : qualité, disponibilité, risques naturels
  • Biodiversité continentale et marine
  • Sols, agronomie et agriculture
  • Pêche et conchyliculture
  • Territoires urbains, périurbains et ruraux : habitat et mobilités
  • Systèmes côtiers : risques naturels et restauration des écosystèmes
  • Santé, pollution, nouvelles maladies émergentes

Groupe d'experts ayant participé à cette thématique : Olivier Cantat (LETG Caen), Stéphane Costa (LETG Caen), Benoit Laignel (M2C Rouen), Zeineddine Nouaceur (IDDES M2C).

60 grandes marées par an en 2100 en Normandie

Le constat du GIEC normand, qui regroupe 23 chercheurs et experts régionaux sur le sujet du changement climatique, justifie d’y consacrer une attention toute particulière : deux tiers du littoral normand sont déjà concernés par la montée des eaux. “Les températures semblent maintenant s’aligner sur les prévisions pessimistes du GIEC, avec une hausse de 3 à 4 degrés. Ce qui devrait se traduire par une élévation des mers d’un mètre, voire plus, d’ici 2100”, relève Stéphane Costa, enseignant-chercheur de géographie à l’université de Caen, et co-président du GIEC normand. Les marées à fort coefficient, qui font aujourd’hui le bonheur des pêcheurs à pied, seront à cet horizon 20 fois plus fréquentes. Et à l’érosion des dunes, des falaises ou des estuaires du pourtour de la Normandie s’ajouteront alors “des phénomènes de submersion en période de tempête, et d’inondations à l’intérieur de terres, en bloquant les écoulements fluviaux”.

Autour de Saint-Germain-sur-Ay comme ailleurs en Normandie, les changements climatiques sont, depuis quelques temps déjà, une réalité bien visible. Chacun a ici en tête des exemples marquants, comme cette petite maison, un peu plus au sud, tombée à l’eau en 2015, et dont on ne voit plus aujourd’hui en contrebas que les restes d’un escalier en béton.

La démarche “Notre littoral pour demain"

En février dernier, Elisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique, se rend sur la côte ouest de la Manche pour constater la situation. L’occasion d’appuyer l’appel à partenaires “Gestion intégrée du littoral” lancé par l’ANEL et le CEREMA, qui cherche à accompagner et mettre en valeur des initiatives concrètes et des projets d’aménagement anticipant cette évolution du littoral. Parmi les lauréats retenus en octobre dernier, la communauté de communes Côte Ouest Centre Manche, dont la démarche “Notre littoral pour demain”, portée par la Région Normandie, a permis de mettre depuis 2015 autour de la table une vaste assemblée de décideurs locaux de tout l’ouest de la Manche, issus des EPCI Côte Ouest Centre Manche, Coutances Mer et Bocage, Granville Terre et Mer et de la Communauté d’agglomération du Cotentin.

L’exemple du projet de Côte Ouest Centre Manche

Le dispositif “Notre littoral pour demain”, lancé en 2014 par la Région Normandie, vise à mobiliser les élus du littoral pour qu’ils s’engagent vers une gestion durable de leur littoral, en prenant en compte les évolutions liées au changement climatique.

La démarche pour la côte Ouest de la Manche comportait trois phases :

  • un cycle de formation pour informer de l’état des lieux et des enjeux sur le territoire concerné ;
  • l’élaboration d’un diagnostic territorial avec les acteurs du territoire et le partage des informations au grand public ;
  • la co-construction de la stratégie et du plan d’actions à moyen et long termes.

La stratégie de l’Ouest de la Manche et le plan d’actions associé ont été validés par les élus de la communauté de communes Côte Ouest Centre Manche, première validation en Normandie d’une stratégie locale de gestion durable de la bande côtière.

« La démarche “Notre littoral pour demain” a surtout permis une prise de conscience globale. Il faut maintenant prendre le temps de décider quelles actions on veut mettre en œuvre en priorité, et comment on les déploie. Tout commence ici ! »

Benjamin Sugy, directeur des services techniques et environnement

Aboutissement de plusieurs années de travail concerté entre de nombreux partenaires politiques des quatre EPCI de l’ouest de la Manche, ainsi que des experts techniques et financiers, une stratégie et un plan d’actions ont ainsi pu être construits, validés par le conseil communautaire de Côte Ouest Centre Manche : une première en Normandie.

“En nous sélectionnant parmi les projets de l’appel à partenaires, l’ANEL et le CEREMA donnent donne à notre travail une valeur nationale et nous accompagnent dans nos démarches. Mais il faut du temps pour décider, car ce que l’on fera aura des impacts à long terme. Et il nous faudra l’acceptation de tous pour mettre en place une meilleure gestion des risques sur notre côte et partager cette culture commune.” précise Benjamin Sugy, directeur des services techniques et environnement. 

Si certaines actions issues de la démarche “Notre littoral pour demain” concernent des aménagements du territoire à moyen et long termes, comme des relocalisations d’habitats ou des systèmes d’endiguement, d’autres impliqueraient aussi des adaptations de chacun à cette nouvelle donne environnementale. La modification de documents d’urbanisme ou l’intégration des risques littoraux dans les métiers de l’agriculture sont autant d’exemples qui illustrent l’étendue de cette petite révolution.

Anticiper pour s'adapter

Parallèlement, la communauté de communes Côte Ouest Centre Manche œuvre à court terme pour tenter de retarder les effets de l’érosion sur son littoral. Ici, elle place des “épis” de bois qui doivent capter le sable qui s’envole, et le faire se déposer juste devant. Là, elle installe des “fascines”, ces fagots qui favorisent la revégétalisation des dunes. Devant cette maison rose qui toise la mer depuis la hauteur de sa dune, des mètres cubes de sable sont régulièrement déversés.

« On donne à manger à la marée, en quelque sorte, pour éviter qu’elle ne creuse la dune à la place. Si on ne fait rien, cette maison rose ne sera plus là dans 10 ans. »

Claire Andrieux, responsable environnement de la collectivité

À une centaine de mètres plus au sud, une autre maison semblait être sur le point de subir le même sort. Aujourd’hui, plusieurs dizaines de mètres de sable la sépare désormais de ce funeste destin. “Ça fausse l’idée du risque pour les riverains. Mais il faut comprendre que lorsque la mer prend du sable quelque part, elle le rejette ailleurs.

Ce défi d’adaptation de tout un littoral est complexe. “Mais dire que c’est compliqué ne veut pas dire que c’est impossible, assure Stéphane Costa. Il faut rester positif et solidaire, pour recomposer le territoire, le rendre résilient tout en conservant son attractivité. Si nous anticipons tous ensemble et acceptons les efforts que cela représente, notre région s’adaptera à la situation et nous apprendrons à vivre différemment sur notre littoral normand.”

 

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