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La qualité de l’air normand sous haute surveillance

Vue sur Rouen @Adobe Stock

clock Publié le 26 août 2022

La pollution de l’air représente la troisième cause de mortalité en France, après l’alcoolisme et le tabagisme ! En Normandie, la qualité de l’air est surveillée de près. C’est la mission d’Atmo, association agréée de surveillance de la qualité de l’air soutenue par la Région. Les études qu’elle réalise quotidiennement guident les autorités dans les mesures à prendre pour préserver la santé des habitants.

« On dit que l'on peut vivre 30 jours sans manger, 3 jours sans boire, mais seulement 3 minutes sans respirer. »

Christophe Legrand, directeur adjoint d’Atmo Normandie à Caen

On respire 15 000 litres d’air par jour en moyenne

Chaque jour, la respiration d’un adulte sollicite 15 000 litres d’air en moyenne, ce qui représente environ 10 litres par minute. En marche rapide, cette quantité s’élève à 30 litres, et même jusqu’à 100 litres par minute en vélo intensif ou en course d’endurance.

Et la dégradation de l’état de l’air se fait vite ressentir sur la santé humaine : en France, le coût sanitaire engendré par la pollution de l’air a été évalué à 100 milliards d’€ par la commission d’enquête du Sénat de juillet 2015. D’où l’importance de garder un œil sur l’évolution des pollutions, afin de mieux s’y adapter, de mieux les anticiper mais aussi de mieux les limiter.

20 actions pour limiter les polluants

Essentielle à la vie sur terre et enjeu majeur de santé publique, la préservation de la qualité de l’air dans l’atmosphère fait l’objet d'accords internationaux. En France, le code de l’environnement reconnaît le droit de respirer un air qui ne soit pas nuisible pour la santé, mais l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air sont gérées à l’échelle européenne, L’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour sa part, préconise des lignes directrices qui structurent les normes européennes ou nationales.

A l’échelle de la Normandie, c’est le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) qui fixe les objectifs et les programmes d’action concernant la qualité de l’air.

Dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants, comme Rouen, ou dans les zones les plus susceptibles de dépasser les seuils, un Plan de protection de l’atmosphère (PPA) est obligatoire. Il a pour objectif de “ramener les concentrations de polluants dans l’air ambiant à un niveau inférieur aux valeurs limites réglementaires”, indique Atmo.

Depuis 2014 en Normandie, un PPA s’applique aux départements de l’Eure et de la Seine-Maritime. Il vise à travers 20 actions à réduire les émissions de polluants, maîtriser l’urbanisation, prévenir et gérer les pics de pollution et réduire l’exposition des populations aux polluants atmosphériques. Il est actuellement en révision et, pour accroître son efficacité, son futur périmètre se concentrera sur la vallée de la Seine.

Rouen prend la qualité de son air en main

En Normandie, la pollution de l’air serait responsable d’environ 2 600 décès prématurés, d’après une étude de Santé Publique France, les transports étant une des principales sources d’émissions de polluants. Pour faire face au problème, la Métropole de Rouen a signé fin 2018, avec ses partenaires institutionnels, l’Accord de Rouen pour le climat avant, un an plus tard, d’adopter une série d’actions dans le cadre du Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET).

Ce plan vise à favoriser “la transition énergétique du territoire, en augmentant la production d'énergies renouvelables et en réduisant l'impact des activités en termes d'émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques“. Celles-ci intègrent entre autres l’agriculture et la forêt, les déchets, la ville de demain, ou encore l’air.

Comment bien identifier les sources de pollutions ?

De l’échelle locale à l’échelle planétaire, les polluants peuvent être de diverses origines.

  • les polluants dits “primaires” sont directement émis par une source (comme les oxydes d’azote émis par les pots d’échappement par exemple)
  • les polluants dits “secondaires” sont issus de réactions chimiques entre différents composés présents dans l’air. C’est le cas notamment de l’ozone, qui se crée sous l’action des rayonnements solaires lorsqu’ils sont en présence d’oxydes d’azote ou de composés organiques volatils (COV).

La nature des sources est généralement couplée aux divers secteurs d’activités du territoire. Agriculture, transports, tertiaire, industries… les sources de polluants et de chacun des produits sont généralement bien identifiées, révélées notamment sur les modélisations et les cartographies réalisées par Atmo.

45 stations de mesure en Normandie 

Grâce à ses 45 stations de mesures automatiques de la pollution et ses laboratoires mobiles, Atmo Normandie a une vision de la présence des polluants atmosphériques sur l’ensemble du territoire.

Parmi les composés chimiques évalués, on trouve notamment l’ozone, les oxydes d’azote, les particules fines et poussières, le dioxyde de soufre, le monoxyde de carbone, certains hydrocarbures, les métaux lourds, le benzène ainsi que certains composés organiques volatils.

Enfin la Normandie a mis en place un réseau de bénévoles capables de reconnaître les odeurs et de les caractériser objectivement, les “Nez-normands”.

Les “Nez normands” recrutent pour traquer les odeurs inhabituelles

Sauriez-vous expliquer une odeur ? Bien souvent, vous évoquerez des ressentis personnels, des souvenirs parfois difficiles à partager. Mais une odeur, générée par un mélange de composés chimiques, possède des propriétés très objectives, au même titre qu’un son peut être aigu ou grave.

Pour cette raison, et pour décrire les odeurs de notre quotidien ou celles inhabituelles et aider à en déterminer les sources, Atmo Normandie a recruté un panel de bénévoles qui forment l’équipe des “Nez normands”. Véritables experts des odeurs, plus d’une cinquantaine de “Nez normands” ont acquis un référentiel pour décrire les odeurs de façon précise, objective et commune à tous.  Ils travaillent en parallèle de Nez salariés d’entreprises, formés selon la même méthode.

Le réseau de ces renifleurs d’atmosphère s’est mis en place à proximité notamment des zones industrielles du Havre et de Port-Jérôme, dans le but de détecter les odeurs suspectes et leurs éventuelles sources. Ce dispositif permettrait de mettre rapidement au jour des dysfonctionnements dans les entreprises potentiellement polluantes. Les odeurs caractéristiques de certaines activités industrielles ont pu être caractérisées et depuis 1997, 70 “empreintes olfactives” ont ainsi pu être établies dans le référentiel normand. Et le réseau continue de s’étendre.

En 2022, 30 “Nez” étaient recherchés sur 16 communes de l’agglomération rouennaise. L’exercice n’est fermé à personne, bien qu’il reste déconseillé aux personnes souffrant d’allergie au parfum ou de maladies rhino-pharyngées.

Le danger des particules fines

Les particules fines représentent une part non négligeable des polluants surveillés. Triées par taille, on distingue :

  • les PM 10 (diamètre inférieur à 10 micromètres) principalement issues de l’agriculture
  • les PM 2,5 (diamètre inférieur à 2,5 micromètres) issues du brulage de déchets à l’air libre, du chauffage individuel au bois avec des installations peu performantes et du trafic routier.

En 2015, 18 125 tonnes de PM 10 et 9 556 de PM 2,5 ont été émises en Normandie. 

Selon leur taille et leur composition, leurs effets sur la santé humaine peuvent varier. Dans certains cas, même à faible concentration, ces particules peuvent favoriser les pathologies cardiovasculaires et respiratoires, et dans certaines situations peuvent même entraîner le décès. Les particules fines pourraient également favoriser l’apparition de maladies neurodégénératives ou de maladies chroniques comme le diabète.

La situation de la Normandie participe à l’accroissement des concentrations de particules fines. Les hivers froids maintiennent les particules au sol, tandis que les épisodes de beau temps printanier favorisent l’arrivée de particules fines par les masses d’air continentales venant des pays du nord-est, comme la Belgique, les Pays-Bas et le nord de l’Allemagne.

Oxydes d’azote et ozone : des gaz à surveiller de près

Particulièrement étudiés, les oxydes d'azote sont principalement émis lors des combustions, en particulier liées aux véhicules diesel. Substances très irritantes pour les voies respiratoires, elles peuvent aussi avoir des effets cardiovasculaires, sur le diabète, ou causer des cancers. Elles peuvent également interagir chimiquement avec d’autres composés atmosphériques et former de l’ozone, autre gaz très surveillé.

Entre 2014 et 2019, les moyennes annuelles observées ont régulièrement dépassé la valeur limite réglementaire à proximité du trafic routier de Rouen, constituant pour les autorités une problématique prioritaire.

« En Normandie, sur les 10 dernières années, l’augmentation des concentrations moyennes annuelles d’ozone est comprise entre +8% et +26% suivant les sites de mesure. »

GIEC normand

En ce qui concerne l’ozone, dont les propriétés toxiques et phytotoxiques peuvent aussi provoquer des troubles respiratoires et cardiovasculaires, sa concentration moyenne annuelle a été multipliée par 5 depuis l’ère pré-industrielle en Europe de l’Ouest, et elle continue d’augmenter ! Ses effets sur la vie terrestre diffèrent selon sa localisation : lorsqu’il se trouve dans la stratosphère (de 12 à 50 km d’altitude), l’ozone offre une protection vitale face aux rayons UV. En revanche, à la surface, il devient bien plus dangereux. L’ozone peut également avoir de lourds effets sur l’environnement en s’infiltrant dans les espèces photosynthétiques et en les nécrosant.

D’après Atmo, “les dépassements des seuils d’information sont observés en période estivale”. “On en a un à deux par an, dès qu’il y a des coups de chaud”, précise Christophe Legrand.

Après Lubrizol, réagir plus vite aux futurs accidents

Le 26 septembre 2019 dans la zone industrielle de Rouen, un incendie dévaste un site de Normandie Logistique et de la société Lubrizol, usine de produits chimiques phosphorés et organosulfurés. Très rapidement, un panache de fumée noire s’étend en direction du nord-est et atteint même la Belgique en seulement 5 à 6 heures. Le nuage présente d’après les témoignages une forte odeur, âcre, et les prélèvements effectués par les pompiers montrent un taux particulièrement élevé de benzène aux alentours de l’incendie, ainsi qu’une présence de monoxyde de carbone et le dioxyde de soufre.

Atmo Normandie, qui a réalisé une batterie de mesures durant un an après l’incendie, assure que “les résultats dans l’environnement se situent en dessous des valeurs de référence sanitaire (VRS) fournies par l’Agence Régionale de Santé Normandie (ARS), lorsque ces valeurs existent (à l’exception d’une valeur ponctuelle égale à la VRS pour le dioxyde de soufre le jour de l’incendie).”

Atmo précise que “52% des 6 124 signalements d’odeurs émis par les habitants faisaient état d’au moins un symptôme santé.” 

Désormais, pour que les riverains puissent réagir rapidement en cas d’événement similaire, un nouveau système d’alerte baptisé FR-Alert a été testé. L’application envoie une alerte sur les smartphones des personnes localisées à proximité de l’événement, comprenant un message d‘information et diverses consignes. Pour les téléphones ne disposant pas de la 4G ou de la 5G, des SMS sont prévus, mais les alertes de sirènes et à la radio n’en seront pas pour autant supprimées.

En savoir plus sur l'incendie

Les actions de la Région face à l’accident de Lubrizol

Des aides aux commerçants et artisans

La Région a accordé des aides aux artisans et commerçants dont l’activité a été impactée par l’incendie. Cette aide a concerné les sociétés situées sur le territoire de la Métropole de Rouen ou bien dans la zone définie par les arrêtés préfectoraux du 28 septembre et 2 octobre 2019 (112 communes au total).

Une aide aux agriculteurs et pisciculteurs

La Région a accordé une aide exceptionnelle aux agriculteurs et pisciculteurs impactés par les retombées de suies consécutives aux fumées d’incendie : une avance remboursable de 10 000 euros par exploitation.

Une étude pour améliorer l’image de Rouen

Associée à la Métropole Rouen Normandie et au Département de la Seine-Maritime, la Région a financé une étude pour renforcer l’image de Rouen et de son territoire afin de contribuer à une stratégie concertée de développement du territoire.

Le projet de recherche CopHER

La Région finance, à hauteur de 300 000 €, l’Université Rouen Normandie pour la première phase du projet de recherche CopHERL - “Incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique : COnséquences Potentielles pour l’Homme et l’Environnement“.

Vers des solutions innovantes

A la suite de l’incendie de l’usine Lubrizol, la Région Normandie et l’Agence nationale de la recherche (ANR) ont lancé un appel à manifestation d’intérêt pour la mise au point de solutions innovantes et opérationnelles dans le domaine de la maîtrise des risques industriels en milieu urbain et dense.

Quelles solutions face aux pollutions de l’air ?

L’étude et l’anticipation de l’évolution de la qualité de l’air en Normandie sont essentielles pour mettre en œuvre des actions préservant la santé de la population et l’environnement. “La meilleure protection consiste en l’absence d’émissions toxiques”, précise Atmo. Et comme la plupart des polluants atmosphériques sont d’origine humaine, il y a de nombreuses façons de limiter leur présence. Puisque les transports représentent une part importante des émissions de composés nocifs, la réduction des déplacements polluants est l’un des leviers d’action pour limiter la pollution atmosphérique.

La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a ainsi créé les zones à faibles émissions de mobilité (ZFE-m), permettant aux collectivités de limiter la circulation des véhicules les plus polluants sur leur territoire.

Cela peut se caractériser par l’interdiction de circuler à certaines plages horaires, pour certains véhicules. C’est le cas à Rouen, où une ZFE-m est mise en place sur le périmètre de 12 communes depuis janvier 2022. Depuis cette même date, “les véhicules destinés au transport des marchandises (PL et VUL) ayant des vignettes Crit'Air 4, 5 ou non classés ne peuvent plus ni circuler ni stationner à l’intérieur de la zone”. Depuis le 1er septembre 2022, cette interdiction s’étend à tous les véhicules, y compris ceux des particuliers.

« A tous les niveaux, les différents acteurs de la société ont un rôle à jouer dans la prise en compte de la sécurité et de la santé par les politiques d’aménagement. »

Christophe Legrand, Atmo Normandie

Par ailleurs, d’autres leviers d’action peuvent limiter la pollution atmosphérique, comme l’encadrement du chauffage individuel au bois, responsable notamment de l’émission de particules fines.

Renforcer l’encadrement des installations à risque, réduire les émissions des différents secteurs économiques ou encore adapter les aménagements liés aux activités humaines sont autant d’axes de réflexion pour tendre vers une qualité de l’air la plus saine possible.

A tous les niveaux, les différents acteurs de la société civile, publics et privés, institutionnels, élus, professionnels, associatifs et riverains, ont donc un rôle à jouer dans la prise en compte de la sécurité et de la santé par les politiques d’aménagement”, poursuit Atmo. Un enjeu plus important qu’il n’y paraît : 90% de l’air que nous respirons se trouve dans une altitude équivalente à seulement la distance entre Caen et Ouistreham (environ 15 km). “L'atmosphère est quelque chose de très petit et de très fragile”, conclut Christophe Legrand.

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